Devant l’augmentation du prix des matériaux, tout le monde s’interroge. Les courtiers en travaux doivent se pencher sérieusement sur la question. La construction de logements neufs plonge d’un côté ; mais les petits chantiers de rénovation se multiplient : et dans ce contexte de déséquilibre, les matériaux de chantiers viennent à manquer. Lors d’une conférence de presse, mardi 23 mars, le président de la Fédération française du bâtiment (FFB), Olivier Salleron, alertait sur « la construction neuve en danger », estimant que, « sans relance puissante, 2021 [risquait] de s’achever sur moins de 300 000 logements construits [contre plus de 400 000 pour les années 2015 et 2016], alors que les besoins des Français sont énormes ». Les courtiers en travaux, de leur côté sont débordés et les petits artisans aussi. En effet, les chantiers de rénovation pour les particuliers n’ont jamais été aussi nombreux.
Les chiffres de la construction, publiés mardi 30 mars 2021 par le ministère de la cohésion des territoires, corroborent cette situation, qui font état d’une chute de 12,4 % du nombre de permis de construire accordés et de 7,1 % des mises en chantier entre décembre 2020 et février 2021 par rapport aux trois mois précédents. Cependant, personne ne parle du nombre des Déclaration Préalable de travaux pour les petits chantiers de rénovation, qui eux explosent !
Parallèlement (sans qu’il y ait de relation de cause à effet), les pénuries de matériaux se multiplient : acier, bois, verre, isolants, de même que certains basiques tels que la plaque de plâtre et le ciment. En outre, les peintures sont en rupture, ce qui cause des retards de livraison, voire des arrêts de chantier. Les prix desdits matériaux, eux, s’enflamment.

Retrouver une autonomie écologique d’approvisionnement des matériaux ?
Depuis décembre 2020, le coût de l’acier s’apprécie de 15 % à 20 % chaque mois : « Nous avons l’habitude des fluctuations [de son] cours, mais pas à ce point, confirme Franck Bernigaud, président de la Fédération des distributeurs de matériaux de construction (FDMC). Sur ce marché mondial, les demandes chinoise et américaine soutiennent les cours, et les aciéries qui ont stoppé leur activité pendant la crise du Covid-19 n’avaient pas anticipé cette vigoureuse reprise. La pénurie est telle que les industriels imposent des quotas que nous devons faire supporter à nos clients », déplore-t-il.
Le même phénomène s’observe dans le bois de structure et de charpente, matériau à la mode parce que répondant aux exigences écologiques bas carbone. La filière française, de surcroît affectée par les épisodes de sécheresse, ne parvient pas à suppléer les fournisseurs leaders allemands et autrichiens, désormais tournés vers leurs clients chinois ou américains, disposés à payer plus cher.
« Un constructeur de Charente-Maritime, qui s’approvisionnait jusqu’ici pour 200 à 300 euros le mètre cube de bois livré sur le chantier, s’est retrouvé en concurrence frontale avec un acheteur américain prêt à payer 700 euros le mètre cube sorti d’usine, faute de bois canadien, devenu trop cher à cause des taxes instituées sous la présidence Trump », raconte Loïc Chapeaux, directeur des affaires économiques, financières et internationales de la FFB.
Très vite ont été aussi concernées les menuiseries, les matériaux isolants, le plastique ou encore les fournitures électriques. Plus récemment, ce sont les produits chimiques qui semblent manquer, ce qui pourrait entraîner une pénurie au niveau des colles, des vernis ou encore des peintures. La FIPEC (Fédération des Industries des Peintures, Encres, Couleurs, Colles et adhésifs, Préservation du Bois) a ainsi récemment tiré la sonnette d’alarme, au sujet de problèmes approvisionnement majeurs en matières premières, et ce dans toute l’Europe.
Quelles sont les causes de pénurie des matériaux ?
La reprise d’activité suite au Covid-19
L’un des premiers effets sur la pénurie des matériaux a été la reprise des chantiers, courant 2020. Alors que beaucoup de chantiers (et d’achats de matériaux en général) se sont stoppés net au premier confinement, les constructeurs ont peiné à rattraper leur retard, et de nombreuses commandes se sont concentrées sur les semaines suivant la reprise.
L’effet a été d’autant plus pénalisant que la production de matériaux et de fournitures a été impactée par la crise sanitaire. Résultat : une hausse brutale des demandes alors que les stocks étaient au plus bas… d’où une possible pénurie.
Et tout ceci est d’autant plus marquant que l’effet a été international. De nombreux pays d’Asie ont ainsi été marqués par la reprise, et ont ainsi acheté bien plus de matériaux que d’habitude. Or, la concurrence internationale peut être forte en matière d’approvisionnement de matières premières.
La concurrence internationale des matériaux
La crise sanitaire de 2020 a clairement montré les limites de la mondialisation. Et autant dire que la pénurie des matériaux est l’une de ces limites. Le marché des matériaux est international, si bien que la concurrence est rude face à un manque de matériaux.
Tous les pays du monde étant peu ou prou face aux mêmes problématiques de reprise d’activité, la concurrence a été forte pour savoir qui arrive à récupérer les précieux matériaux. Les grands gagnants de cette « bataille » ? Avant tous les pays producteurs de matières premières, qui ont naturellement répondu à la demande locale avant d’exporter les matériaux. Le nombre d’importations de matériaux a donc chuté drastiquement, et nombreuses sont les entreprises à bloquer ou à limiter fortement les ventes à l’international.
Une hausse du coût des transports
Ajoutons à tout cela une hausse du coût des transports, et des livraisons plus difficiles. À titre d’exemple, le prix d’un conteneur depuis la Chine a été multiplié par quatre, et est passé de 1500 € à 7000 € en l’espace d’un an.
Une fois encore, rappelons que de nombreux matériaux sont importés depuis l’Asie ou encore depuis les Etats-Unis. Pour certains secteurs, les difficultés d’approvisionnement sont aussi liées au chômage technique de certaines usines, voire tout simplement à une raréfaction des matières premières.
En conclusion, le Covid-19 a entraîné un véritable effet boule de neige, qui se fait ressentir sur la plupart des chaînes d’approvisionnement de matériaux et de matières premières.
La hausse du prix des matériaux va entraîner une augmentation du coût de la rénovation des maisons
Si la pénurie des matériaux de construction peut déjà inquiéter en soi, il est évident qu’elle aura des impacts importants… notamment sur les prix. En effet, ce qui est rare et cher, et il est évident qu’une hausse des prix des matériaux se ressentira sur le coût de la construction.
Le problème ? Avec une hausse des prix sur l’ensemble des matériaux de construction, il est très délicat d’estimer et d’anticiper les hausses de prix sur les chantiers. Une chose est sûre : les coûts augmentent, et il faut donc s’attendre à une hausse du prix de la construction, mais aussi du coût des fournitures et équipements (fenêtres, peintures, matériel électrique, matériaux de construction, etc.).
Sur les matériaux à base d’acier, le communiqué de presse de la FIM mentionnait des hausses de prix de 10 à 40 % depuis septembre 2020. Dans un récent communiqué de presse, la FDME (Fédération des Distributeurs de Matériel électrique) évoque une hausse de 30 % du prix du cuivre, de 22 % pour l’aluminium ou encore de 30 % pour le polyéthylène. Le PVC n’est pas en reste, avec une hausse de 20 % des prix. Ainsi, le prix des menuiseries PVC a augmenté de 30 % entre septembre 2020 et mars 2021.
Les professionnels de la construction estiment ainsi la hausse des coûts de construction d’une maison entre 10 et 20 %, ce qui peut donc représenter des dizaines de milliers d’euros supplémentaires à l’échelle d’un chantier de construction.
Les autres impacts d’une pénurie de matériaux
Si le prix des fournitures et des travaux est directement impacté par la disponibilité des matériaux, une pénurie de matières premières et de matériaux de construction peut avoir bien d’autres impacts.
Des difficultés pour des entreprises
Pour les usines et les entreprises de bâtiment, la pénurie de matériaux est à l’origine d’une certaine instabilité, et d’un manque de visibilité sur l’avenir. Les PME pour qui l’utilisation de matières premières est indispensable sont les plus impactées, elles qui peuvent avoir du mal à produire ou à satisfaire les besoins de leurs clients.
Alors que les grands groupes, à l’origine de grosses commandes de matériaux, peuvent faire le poids dans la négociation, les plus petites entreprises doivent faire avec le marché de l’offre et la demande, ce qui peut clairement les mettre en danger. C’est d’autant plus vrai qu’une hausse du coût des matériaux se répercute souvent sur leur marge, puisqu’elles ne sont pas toujours en mesure de répercuter les hausses de coût sur leurs clients.
Ce n’est donc pas un hasard si plusieurs fédérations professionnelles comme la FDME, la FIP ou encore la FIPEC cherchent à alerter les pouvoirs publics d’une telle hausse du coût des matériaux.
Des retards de chantiers
Pour le particulier comme pour tout maître d’ouvrage, la pénurie des matériaux va nécessairement engendrer des retards de chantiers, parfois de plusieurs mois. Sans capacité à trouver des matériaux, ou à les trouver à un tarif raisonnable, les constructeurs peuvent en effet peiner à finaliser un chantier.
C’est d’autant plus vrai que la pénurie touche de très nombreuses fournitures et matières premières différentes. Même les petits chantiers, comme le remplacement de fenêtres, peuvent être concernés par des retards, dus à la difficulté à produire ou à faire livrer les fournitures nécessaires.
Il faudra donc être prêt à payer plus cher, mais aussi à patienter plus longtemps qu’auparavant.
Des contrats plus restrictifs : les courtiers en travaux devront alerter les clients
Enfin, il faut s’attendre à une plus grande rigidité au niveau des contrats (tout du moins durant toute la pénurie). En effet, avec des prix fluctuants, les artisans et professionnels du BTP ne sont plus à même de garantir des tarifs sur une grande durée de temps.
En conséquence, la durée de validité d’un devis pourrait être réduite, pour assurer à l’artisan qu’il sera en mesure de proposer les fournitures indiquées aux tarifs indiqués. Cela pourrait donc réduire la durée de réflexion d’un client, au risque de voir le montant du devis s’alourdir avec le temps.
Naturellement, ces différents impacts de la pénurie (à commencer par une hausse des prix des matériaux) vont disparaître une fois la pénurie terminée. Le problème ? Il est très difficile d’avoir une visibilité sur l’évolution du marché des matériaux, dans un contexte encore marqué par la crise sanitaire…
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